
Art by Maria Athanasopoulou
Depuis la Bretagne, Finistère, juillet 2019
Prendre plaisir. Prendre le temps.
Mes premières vraies vacances depuis l’Été 2018. Je dois dire que c’est magnifiquement gratifiant. Le calme, le soleil, la juste chaleur, l’air iodé de la mer. Que demander de plus?
Mes activités favorites depuis hier (en référence à l’article Self-Care du mois de juin):
- Sortir à la plage
- Nager dans la mer
- Me faire plaisir en lecture: mon sac est rempli de livres (à ce sujet j’ai des extraits à partager ici, de l’ouvrage “Lettres à un Jeune Poète”)
- Acheter tous les magazines qui me donnent envie et me font rêver (découverte du jour: Dim Dam Dom)
- Passer du temps avec mes proches
- Prendre soin de moi, avec une journée Thalasso (à Concarneau)

Découverte de vraies pépites (d’inspiration) durant mon trajet en train hier (direction Lorient):
En plein doute, le créateur recherche (à l’extérieur de lui-même), une validation pour s’assurer d’être sur la bonne voie. Imaginez-vous débuter un nouveau projet. La rédaction d’un livre, par exemple. Au tout début, vous n’avez aucune idée de ce que vous faites. De par la nouveauté de votre ouvrage et du profil novateur dont vous faites preuve. Rainer Maria Rilke nous invite à effectuer ce regard vers l’intérieur. Comme un processus d’auto validation de la part du créateur, qui ne dépendra alors, que de lui même.
« Vous demandez si vos vers sont bons. Vous me le demandez. Vous l’avez déjà demandé à d’autres. Vous les envoyez à des revues. Vous les comparez à d’autres poèmes, et vous vous inquiétez si certaines rédactions refusent vos tentatives. Hé bien (puisque vous m’avez autorisé à vous conseiller) je vous prie de renoncer à tout cela. Vous regardez vers le dehors, et c’est là précisément ce que vous devriez ne pas faire aujourd’hui. Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n’est qu’un seul moyen. Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d’écrire; examinez si elle déploie ses racines jusqu’au lieu le plus profond de votre coeur; reconnaissez-le face à vous-même: vous faudrait-il mourir s’il vus était interdit d’écrire ? Ceci surtout: demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit: dois-je écrire ? Creusez en vous-même vers une réponse profonde. Et si cette réponse devait être affirmative, s’il vous est permis d’aller à la rencontre de cette question sérieuse avec un fort et simple « je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu’en son heure la plus indifférente, la plus infime, doit se faire signe et témoignage pour cette poussée. Approchez-vous alors de la nature. Essayez alors, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez, vivez, aimez, perdez (…) »
Par la suite, il note l’importance de ne pas se comparer aux autres. Le danger des réseaux sociaux aujourd’hui, c’est bien cela: la mauvaise habitude de comparer sa vie à celle des autres. Alors que ces applications ne ralatent qu’une infime partie de la réalité. La meilleure façon de se comparer c’est avec soi-même.
« Fuyez donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées passagères, la foi en une beauté, quelle qu’elle puisse être – décrivez tout cela avec une probité profonde, calme, humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves, et les objets de votre mémoire. »
« Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas; accusez-vous vous-même de n’être pas assez poète pour en appeler à vous les richesses; car pour le créateur il n’y a pas de pauvreté, il n’est pas d’endroit pauvre, indifférent. Et si même vous étiez dans une prison, si les murs ne laissaient venir à vos sens aucun des bruits du monde – alors n’auriez-vous pas toujours votre enfance, cette richesse délicieuse et royale, ce trésor de souvenirs ? Tournez de ce côté votre attention. Tâchez de renflouer les sensations englouties de ce lointain passé; votre personnalité se raffermira, votre solitude s’élargira, elle deviendra une demeure toute demi-jour, loin de laquelle passera le fracas des autres. – Et si, de ce retour en vous-même, de cette plongée dans le monde propre, viennent des vers, alors vous ne songerez pas à demander à quelqu’un si ce sont de bons vers. Vous ne chercherez pas davantage à intéresser des revues à ces travaux: car vous verrez en eux un bien naturel qui vous sera cher, un morceau et une voix de votre vie. »
Enfin, il parle de l’importance de « ne pas faire dans le but de », mais pour le simple plaisir de l’action même. C’est cette idée que l’on ne doit pas créer dans un but comme celui du bénéfice matériel. La vraie oeuvre née d’un mélange hasardeux entre savoir et expérience. Tout est dans l’instant, ce besoin de créer et de réaliser un projet.
« Une oeuvre d’art est bonne si elle provient de la nécessité. Dans cette façon de prendre origine réside ce qui la juge: il n’est pas d’autre jugement. C’est pourquoi, cher Monsieur, je n’ai si vous donner d’autre conseil que celui-ci: entrez en vous-même, éprouvez les profondeurs d’où jaillit votre vie; c’est à sa source que vous trouverez la réponse à la question: dois-je créer ? Prenez-la comme elle sonne sans chercher à l’interpréter. Peut-être se révélera-t-il que vous avez vocation à être artiste. Alors acceptez le destin, portez-le, son fardeau, sa grandeur, sans jamais réclamer une récompense qui pourrait venir du dehors. Car le créateur doit être lui-même un monde, il doit trouver toute chose en lui et dans la nature à laquelle il s’est lié. »
Extrait de la lettre Paris, le 17 février 1903, de Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète.


